01/Portrait global des Grands Lacs et du Saint-Laurent
Source : Environnement et Changement climatique Canada
Les cinq Grands Lacs se trouvent en amont du fleuve Saint-Laurent. On observe ainsi d'ouest en est les lacs Supérieur, Michigan, Huron, Érié et Ontario. Le fleuve tire sa source du lac Ontario. Avec ses 3260 km, le système hydrographique Saint-Laurent-Grands Lacs occupe le 17e rang mondial en ce qui a trait à sa longueur, entre le lac Supérieur et le détroit de Cabot. Les eaux effectuent une descente de 183 m jusqu'à l'océan Atlantique, ce qui est l'équivalent de la hauteur d'un édifice de 60 étages. De plus, le bassin hydrographique Saint-Laurent-Grands Lacs contient 25 % des réserves mondiales d'eau douce.
02/Le type d'eau des différents tronçons du Saint-Laurent
Source : Ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec
La portion québécoise du Saint-Laurent compte 244 affluents et 60 % de la population du Québec vit sur ses rives. Le degré de salinité de l'eau varie beaucoup dans chaque section du Saint-Laurent passant de l'eau douce en amont à l'eau salée en aval. Le tronçon fluvial et l'estuaire fluvial contiennent de l'eau douce. Dans l'estuaire moyen, l'eau devient saumâtre. Elle passe d'une concentration de sel de 0,02 % à l'Île d'Orléans à 2 % à La Pocatière. L'estuaire maritime montre une teneur en sel allant de 2,5 à 3 %. Le golfe, qui ressemble à une véritable mer intérieure, a une salinité de 3,2 % se rapprochant beaucoup de celle de 3,5 % retrouvée dans l'océan Atlantique.
03/Les sections du Saint-Laurent
Source : Ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec
Le Saint-Laurent se divise en cinq sections possédant chacune des caractéristiques permettant de les distinguer. D'amont en aval, on retrouve le tronçon fluvial (A), l'estuaire fluvial (B), l'estuaire moyen (C), l'estuaire maritime (D) et le golfe (E).
04/ Le Saint-Laurent et une vue rapprochée de la section Montréal-Trois-Rivières
Source : Environnement et Changement climatique Canada
Le tronçon fluvial commence après le lac Ontario et se termine à l'extrémité aval du lac Saint-Pierre correspondant à sa limite avec l'estuaire fluvial. Ce dernier se poursuit jusqu'à la pointe est de l'île d'Orléans. L'estuaire moyen débute à cette pointe et va jusqu'à l'embouchure de la rivière Saguenay sur la rive nord et à la pointe ouest de l'île Verte sur la rive sud. De la rivière Saguenay jusqu'à Pointe-des-Monts se trouve l'estuaire maritime. L'élargissement important du Saint-Laurent de 50 km observé à partir de Pointe-des-Monts indique le début du golfe qui est une zone de transition vers l'océan Atlantique.
05/Bathymétrie du golfe du Saint-Laurent
Source : C Ewan ar Born & Sémhur
Le golfe du Saint-Laurent se jette ensuite dans l'océan Atlantique, entre la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. Le chenal Laurentien est un canal naturel provenant de l'océan qui s'enfonce à une grande profondeur atteignant par endroits jusqu'à plus de 400 m. Ce chenal traverse le golfe et l'estuaire maritime. Il se termine abruptement à l'embouchure de la rivière Saguenay. À cet endroit, la profondeur du Saint-Laurent atteint 100 m marquant ainsi la limite entre l'estuaire maritime et l'estuaire moyen. Ce changement brusque de profondeur entraîne une remontée à la surface d'une eau froide très riche en éléments nutritifs. Cette abondance favorise le développement d'une multitude d'algues microscopiques, ce qui contribue à attirer de nombreux petits crustacés. Ces derniers représentent une nourriture recherchée par les poissons et les baleines. L'affluence de baleines à cet endroit du Saint-Laurent est si grande qu'elle rend ce lieu très attractif pour les observateurs de ces mammifères marins si impressionnants.
Les marées sont inexistantes dans le tronçon fluvial. Cette section du Saint-Laurent est caractérisée par des zones d'eaux turbulentes bien visibles dans les passages plus étroits où on observe des rapides. Le débit peut alors atteindre 4 m/s.
07/ Le lac Saint-Pierre
Source : Simon Ménard
Le tronçon fluvial comporte aussi trois élargissements de faible profondeur. De l'ouest vers l'est, ces lacs fluviaux portent les noms de Saint-François, Saint-Louis et Saint-Pierre. Ce dernier lac avant l'estuaire occupe la plus grande superficie. La profondeur moyenne est de 5,7 m pour le lac Saint-François, 3,4 m pour le lac Saint-Louis et 2,7 m pour le lac Saint-Pierre. L'eau de ces lacs est plutôt stagnante et dans certaines baies la vitesse du courant est inférieure à 0,1 m/s.
08/ Le Saint-Laurent devant Québec
Source : Simon Ménard
L'estuaire représente la zone de contact entre le fleuve et le golfe. L'estuaire fluvial, aussi appelé estuaire d'eau douce, est soumis aux marées. À la sortie du lac Saint-Pierre, on observe des marées de très faible amplitude. En aval de Portneuf, les marées sont beaucoup plus fortes et, à marée montante, le sens du courant est inversé. Il remonte alors en direction des Grands Lacs.
09/Phare du Pilier-de-Pierre dans l'estuaire du Saint-Laurent en face de Saint-Jean-Port-Joli
Source : Patrick Matte
L'estuaire moyen est aussi nommé l'estuaire d'eau saumâtre. C'est dans cette section du Saint-Laurent qu'entrent en contact les eaux douces du fleuve et les eaux salées du golfe. Le phénomène des marées devient de plus en plus important. Après l'île d'Orléans, l'estuaire moyen gagne en largeur. À la hauteur de l'île aux Coudres, 20 km séparent les rives nord et sud du Saint-Laurent.
10/Phare de Pointe Mitis à Métis-sur-Mer
Source : Patrick Matte
Les marées de l'estuaire maritime sont de plus grande amplitude et les courants importants. Cette section du Saint-Laurent débute à la hauteur de Tadoussac. Le chenal Laurentien, un canal naturel très profond, débute à la confluence de la rivière Saguenay et du Saint-Laurent. C'est à cet endroit que les eaux froides très riches en éléments nutritifs, provenant de l'océan Atlantique, remontent à la surface.
11/Vue sur le golfe du Saint-Laurent à partir du parc national Forillon en Gaspésie
Source : Maxime Légaré-Vézina, Stratégies Saint-Laurent
Le golfe du Saint-Laurent ressemble à une mer intérieure qui effectue la transition vers l'océan Atlantique. Il est soumis à de puissants courants et à des marées importantes. La Côte-Nord, l'île d'Anticosti, les îles de la Madeleine et la Gaspésie bordent le golfe.
12/Le fleuve Saint-Laurent en face du Marché Bonsecours à Montréal, vers 1887
Source : Alexander Henderson, Bibliothèque et Archives Canada, MIKAN 3248407
La navigation sur le Saint-Laurent représente un défi de taille. Ce fleuve comporte de nombreux obstacles à franchir : rapides, îles, récifs, hauts-fonds et de vastes étendues d'eau peu profonde. À la confluence du Saguenay et du Saint-Laurent, on observe un phénomène particulier. L'eau froide et dense, remontée à la surface au niveau de la tête du chenal Laurentien, cherche à plonger dans les profondeurs de la rivière en faisant un tourbillon qui peut déstabiliser les embarcations. De plus, les hautes parois du fjord concentrent le vent en provenance de l'ouest ou du nord-ouest et décuplent ainsi sa vélocité. Le Saguenay représente alors un véritable «canon à vent». Le brouillard et les tempêtes de neige s'ajoutent aux problèmes rencontrés sur le Saint-Laurent. Ils peuvent survenir rapidement et réduire de beaucoup la visibilité. Ces changements brusques de conditions météorologiques rendent ainsi la navigation très dangereuse.
13/ Le fleuve Saint-Laurent à l'est du pont Jacques-Cartier, vers 1935
Source : Harry Sutcliffe, Musée McCord, M2011.64.2.2.39
Durant la saison hivernale, la présence de glaces sur le Saint-Laurent constitue un obstacle majeur car elles obstruent le passage des navires. Au printemps, lors de la débâcle, des amoncellements imposants de glaces (embâcles) se forment et créent des blocages importants. De plus, le mouvement de gros blocs de glace perturbe aussi la navigation.
14/Cargo sur le fleuve Saint-Laurent en face de l'île Saint-Ignace
Source : Simon Ménard
De nos jours, un service de déglaçage efficace permet d'assurer le passage sécuritaire des navires et réduit aussi l'impact des inondations printanières en libérant le passage pour que l'eau puisse s'écouler. Le Programme de déglaçage permet à la plupart des ports canadiens d'être ouverts à la circulation toute l'année. L'état des glaces sur le Saint-Laurent est suivi 24 heures sur 24 pendant la saison hivernale.
15/ Le brise-glace Lady Grey sur le fleuve Saint-Laurent, vers 1910
Source : Musée McCord, MP-1979.155.29
C'est en 1873 que le gouvernement fédéral a instauré un service de déglaçage dans les eaux canadiennes afin de répondre à la demande de l'Île-du-Prince-Édouard. Cette province avait exigé, pour intégrer la Confédération canadienne, d'avoir un service de traversier fonctionnel durant toute l'année. Pendant la première moitié du XXe siècle, on a développé une flotte de brise-glace : le Champlain et le Montcalm en 1904, le Lady Grey en 1906, le Saurel en 1929, le N.B. McLean en 1930 et l'Ernest Lapointe en 1940. Trois autres puissants brise-glace ont été ajoutés à cette flotte après la Deuxième Guerre mondiale : le D'Iberville en 1952, le Labrador en 1953 et le John A. Macdonald en 1960.
16/ Le capitaine J. B. Mercier et son équipage à bord du brise-glace Lady Grey sur le fleuve Saint-Laurent
Source : Bibliothèque et Archives Canada, MIKAN 4293432
Le Lady Grey a été en opération jusqu'en 1955. Cette année-là, il coula après être entré en collision avec le Cité de Lévis. Malgré les interventions de ces brise-glace, la navigation sur le Saint-Laurent en hiver n'a véritablement été inaugurée officiellement qu'à partir du 13 février 1959 lorsqu'un cargo danois, l'Helga Dan, s'est rendu jusqu'au Port de Québec. Depuis le début des années 1960, le travail des brise-glace a permis aux navires de pouvoir atteindre le Port de Montréal. La section de la Voie maritime du Saint-Laurent, comprenant une série d'écluses à partir de Saint-Lambert, demeure cependant fermée en moyenne du début de janvier à la fin de mars.
17/Entrevue filmée avec Stéphane Julien, commandant sur les brise-glace à la Garde côtière canadienne
13 minutes 14 secondes
Transcription
(Une vue panoramique montre un navire sur le fleuve gelé devant Trois-Rivières. Puis, le commandant nous parle de son cheminement. Il est dehors devant le fleuve où la glace se déplace rapidement et où est ancré le pétrolier Laurentia Desgagnés.) Depuis l’âge de 17 ans, j’ai joint la Garde côtière. J’ai fait mes études en Nouvelle-Écosse et depuis 38 ans, je suis un employé de la Garde côtière canadienne. Je suis maintenant commandant sur les brise-glace sur le Saint-Laurent, dans l’Arctique où la glace nous appelle. Et, ce qui m’a amené à faire ce métier-là, en fait, c’est un oncle à moi qui avait exercé ce métier-là dans les années soixante. Il avait des films Super 8 qu’il avait fait dans l’Arctique. On voyait des ours polaires, des glaciers, des Inuits, (photo d’ours polaire sur la neige) toutes sortes de choses. Et, ça avait vraiment frappé mon imaginaire. Puis, en même temps j’ai réalisé que j’avais toujours été fasciné (Photo montrant la lumière se réfléchissant sur un glacier vu de près.) un peu par la mer. Tout jeune, les émissions de Cousteau ont profondément (Photo d’un énorme glacier vu de près flottant dans l’eau.) marqué mon choix de carrière. Donc, je suis allé un peu… (Photo de plusieurs icebergs se réfléchissant dans l’eau.) C’est un peu par hasard mais en même temps j’ai l’impression qu’il y avait peut-être un chemin déjà de tracé pour moi dans ce métier-là. En graduant du collège de la Garde côtière, j’ai été affecté à la région du Québec. J’ai travaillé principalement sur le fleuve Saint-Laurent. Dans la voie maritime, je suis allé à quelques reprises sur les Grands Lacs. Et aussi à plusieurs reprises dans l’Arctique durant l’été. (Musique. Photo de plusieurs navires qui se suivent au lac Supérieur. Photo d’un brise-glace naviguant dans l’océan Arctique où la lumière est violacée assez sombre.)
Ce que j’aime particulièrement c’est l’Arctique. (Photo d’un paysage glacé de l’Arctique avec les rayons du soleil effleurant l’horizon.) La navigation dans le fleuve, le pilotage, c’est-à-dire naviguer dans des eaux restreintes, c’est excitant, c’est grisant. (Le commandant est devant le fleuve gelé.) Ça demande de l’attention continuelle. Travailler avec les autres navires, ceux qui te suivent, ceux que tu vas rencontrer… Les petits bateaux de croisière, de plaisance l’été… (Photo de l’océan avec à l’horizon des montagnes recouvertes de neige.) Mais, dans l’Arctique, il y a un sentiment de l’expédition. Quand tu pars dans le nord, tu pars… Le navire part pour une période de trois à quatre mois. Il faut que tu aies toute ta nourriture, tes équipements, ton carburant. Il faut que tu prévoies tes ravitaillements. Les conditions sont changeantes. Le territoire est immense. Les glaces sont beaucoup plus sévères que ce qu’on rencontre ici dans le fleuve Saint-Laurent. (Musique. Photo d’un paysage montagneux enneigé et des glaces sur l’océan.)
Les paysages de l’Arctique sont à couper le souffle. (Photo des rayons de lumière traversant les nuages au-dessus de l’océan gelé.) Ce sont des endroits qui sont… Il y a très peu d’humains qui vont dans l’Arctique. Nous, on a la chance d’y aller quand même assez régulièrement une fois par année l’été. Des fois, deux fois… On peut faire deux voyages dans une année. Donc, ce sont des paysages splendides. La faune, la flore aussi… Quand on a l’occasion d’aller à terre, on se rend compte que sous une couleur brune générale quand tu es du large, quand tu approches tu te rends compte que, en plein été, c’est plein de couleurs dans la toundra. (Photo prise à la baie d’Hudson montrant une eau agitée et différentes couleurs de la végétation au sol.) Les animaux qui sont là… Que ce soit les ours, les baleines, les oiseaux… (Photo de deux morses arborant leurs longues canines.) Ce sont toutes des choses qu’on ne voit pas ici dans le sud. C’est vraiment fantastique ! L’Arctique c’est… Ça change je pense quelqu’un. Quand tu as vu l’Arctique, ça change les gens. Moi, ça m’affecte profondément quand je suis là. J’adore le calme, la beauté sauvage de l’Arctique. C’est vraiment un superbe endroit ! (Musique. Photo d’une rivière agitée traversant la toundra de la baie d’Hudson avec ses lichens et ses plantes accrochés au roc.)
Il faut être curieux pour aimer ce métier-là. Si tu ne l’es pas, tu vas t’emmerder sur l’eau avec rien autour. Il faut que tu veuilles comprendre ce qui se passe, les phénomènes météo, la glace, la structure du navire comme telle, bien comprendre ton navire, la mécanique du navire. Donc, il faut quand même avoir un bon background académique (Photo de deux navires et d’un brise-glace traversant le golfe gelé.) pour certains corps de métier particulièrement : les mécaniciens, les officiers de navigation. Il y a des brevets à passer. Ce sont des études assez intensives. Donc, il faut prendre ça au sérieux. Ce sont des études sérieuses. On voit les jeunes qui ont mis beaucoup d’efforts. Quand ils arrivent, qu’ils viennent rejoindre la flotte après leurs études, on voit comment ils sont bien appuyés par la théorie. Et après ça, ils arrivent. C’est merveilleux. On les voit arriver chargés de théorie et là ils découvrent, ils mettent en pratique ce qu’ils ont appris. Ils font les liens entre les deux. C’est le fun de les voir passer d’étudiants gradués à marins expérimentés… Si on peut dire ça comme ça. (Musique. Photo du fleuve gelé devant la ville de Québec avec les deux ponts à l’horizon.)
Les défis de la navigation sur le Saint-Laurent, en fait en hiver, c’est la glace. C’est vraiment ça. C’est la glace qui a toutes sortes de formes. Les glaces qui sont accrochées au sol qui tiennent là qu’on appelle les battures sur lesquelles les gens vont pêcher, la pêche blanche entre autres. C’est aussi les glaces en mouvement. Les courants qui font des fois que la concentration de glaces est plus élevée. Il y a de la pression. La météo qui vient avec ça. Vent du nord-est, beaucoup de neige. De la neige mouillée par-dessus de la glace, ça fait une belle soupe épaisse collante qui donne de la difficulté aux navires (Photo d’une barge qui est prise dans la glace au lac Saint-Pierre.) de passer dans le chenal. C’est ce qui est la difficulté la glace, vraiment ! (Musique. On voit l’eau et la glace en mouvement sur le fleuve.)
Le lac Saint-Pierre ce qui est de particulier c’est que c’est un élargissement du fleuve. Je me souviens jeune de penser que c’était vraiment un lac. J’entendais le lac Saint-Pierre. Quand j’ai compris que c’était juste le fleuve Saint-Laurent. Mais, c’est qu’il est très très… Il est peu profond. Alors, il est très large et peu profond. Il y a juste un endroit au centre, un chenal qui est entretenu, qui est maintenu, qui est bien balisé, qui permet le passage des navires. Mais, tout le reste ça ne peut pas passer sauf pour les embarcations de plaisance. Mais, il y a des endroits où il n’y a que 4 à 5 pieds d’eau. Donc, c’est la particularité. Et toute cette glace-là, la belle glace franche qui prend chaque côté du chenal navigable, des fois elle veut se détacher. C’est pour ça qu’il y a des caméras sur le lac Saint-Pierre qui permettent de surveiller à distance. Il y a des radars quand la visibilité n’est pas bonne. On peut voir la glace se déplacer avec un radar. Comme un radar de navire mais qui est installé sur un des îlots sur le lac Saint-Pierre. Puis aussi, les navires qui passent rapportent les conditions quand ils voient des conditions qui sortent de l’ordinaire, à ce moment-là ils les rapportent. Et c’est comme ça que ça permet de surveiller ce grand couvert de glace-là, qui à quelques reprises durant l’hiver, il y a toujours des portions qui se détachent. (On voit la glace sur le fleuve et à l’horizon la silhouette du pont Laviolette.) Ça fait partie de la réalité. Ce n’est pas un échec en soi qu’elles se détachent. Souvent c’est causé par des redoux ou des variations de température très très rapides. Ça crée des tensions de surface. Avec un vent favorable, oups, il y a une craque qui se fait et il y a un morceau qui se met en marche. Ça arrive à toutes les années. Des fois, c’est des morceaux plus petits. Des fois, c’est des morceaux vraiment gros et imposants qui demandent une intervention rapide et musclée pour briser tout ça. (Musique. Photo d’un glacier qui s’est détaché du Groenland en vue rapprochée dans l’océan. Photo aérienne démontrant l’immensité du glacier s’étant détaché du Groenland car dans le haut, on aperçoit une petite tache rouge qui est le brise-glace.)
Ça risque de bloquer et ça risque aussi de faire dériver un navire qui serait engagé et qui se ferait tasser par un morceau de glace qui pèse des millions de tonnes. La glace, c’est pesant. Il se ferait carrément tasser à l’extérieur du chenal ou simplement aussi arrêter. Ça bloque l’écoulement des glaces qui ne peut pas se produire. Donc, on se ramasse avec un embâcle. Ça s’empile jusqu’au fond. (Vue panoramique montrant le déplacement des glaces sur le fleuve.) Le niveau de l’eau monte en aval, en amont de l’embâcle jusqu’à Montréal théoriquement. C’est le danger. C’est pour ça qu’il faut… Toute pièce de glace qui se met en mouvement qui pourrait venir bloquer en quelque part, même ici sur les piliers du pont de Trois-Rivières, ça s’appuie et ça arrête complètement. À ce moment-là, il faut partir rapidement, aller briser ça et remettre ça en mouvement. (Musique. On voit le mouvement des glaces sur le fleuve.)
Donc, la débâcle du printemps, c’est le réchauffement qui commence à créer ça. Mais nous, on n’attend pas que la glace se détache par elle-même et crée des problèmes. On est proactif. Et dès qu’on sait que le redoux s’en vient, on commence déjà à briser les couverts de glace qui sont en place afin de faciliter la navigation mais aussi de prendre de l’avance sur mère nature. Parce que si on attendait, si on la laisse là, probablement qu’il y en aurait encore en mai qui serait à quelques endroits. Donc, on accélère le processus justement pour faciliter la navigation, pour revenir rapidement à un retour en navigation de mode estival si on peut dire. (Musique. On voit le brise-glace Martha L. Black accosté au quai de Trois-Rivières.)
Quand il est venu le temps d’enclencher la fin de saison hivernale, là on a différents outils. Il y a différents outils qui sont disponibles. Donc euh… Et puis, dans la particularité du lac Saint-Pierre qui est peu profond évidemment les navires brise-glace puissants (On voit le brise-glace Martha L. Black de côté accosté au quai de Trois-Rivières.) ne peuvent pas sortir du chenal pour aller briser la glace. Alors, on a des aéroglisseurs qui sont ici à Trois-Rivières. Et eux sortent du chenal et cassent les glaces avec une technique très particulière. Et ils se trouvent à briser la glace qui est en dehors du chenal… le couvert de glace. Et aussi, ils sont utilisés dans les rivières, dans certaines rivières principalement sur la rive sud, Châteauguay, Yamaska, Saint-François, à certains temps de l’année pour exactement faire la même chose aussi, pour éviter qu’il y ait des embâcles. Ils déglacent les embouchures de rivières. Donc, quand il y a un apport d’eau qui vient, eh bien à ce moment-là la glace quand elle se détache, elle a quelque part à aller. Elle n’arrive pas à l’embouchure de la rivière et c’est glacé encore… La belle glace franche n’est plus là. Nous, on l’enlève pour justement permettre que la glace s’enlève de là, (Photo montrant un brise-glace sur la rivière Saguenay gelée avec à l’horizon le fjord.) pour que la glace puisse s’écouler normalement. (Musique. Photo montrant des glaces sur la rivière Saguenay et l’impressionnant fjord.)
Lorsqu’on est à bord, en mode hivernal, c’est du 24h/24. Le navire doit toujours être prêt à partir. Il doit toujours être prêt à intervenir. Il y a des modes où on est en attente. On suit le déroulement de la navigation, des glaces et d’autres fois il faut intervenir. Donc, quand on intervient souvent c’est dans le jour parce que dans la noirceur, quand il y a des situations problématiques, ça devient délicat. On a de la misère à voir ce qui se passe, à voir l’environnement autour. Ça se peut quand même qu’on le fasse, si la situation le permet ou l’oblige. Mais, idéalement on essaie de travailler le plus possible avec la clarté, ce qui en hiver finalement nous donne un temps assez restreint. Mais, à bord du navire (Photo de deux cargos circulant sur le fleuve à travers les glaces devant Québec.) il y a toujours quelqu’un qui est en devoir. C’est du 24 h/24. Les gens alternent sur les quarts. Et il y a une certaine quantité de personnel à bord qui travaille à la journée. Il y a le commandant. Ça commence à 6 h le matin et ça finit à 6 h - 6 h 30 le soir. Mais, avec la possibilité d’être appelé quand même n’importe quand en dehors de ces heures-là. Donc, on a des heures régulières de travail (Photo montrant le fleuve gelé devant Québec avec les deux ponts à l’horizon.) ou si on n’est pas en train d’intervenir dans une situation de navigation, eh bien à ce moment-là on fait du travail de bureau. On fait de la planification des prochains voyages, les prochaines réparations, de la gestion de personnel. Toutes les choses qu’une entreprise normale a besoin de faire. On les fait aussi sur un navire. (Musique. Photo d’un navire sur le fleuve gelé au loin se dirigeant vers les ponts de Québec au soleil couchant.)
Anciennement quand on naviguait, on était sur du papier. On prenait une position. On savait notre direction, notre vitesse. Quinze minutes après, on prenait une autre position. Mais, entre les deux c’était de l’estime. Ce n’était pas continuel. Alors que maintenant, tu as ta carte électronique avec ton bateau et en continu tu sais exactement où tu es. Il n’y a plus d’estime. C’est instantané. Alors, ça a changé. Donc, dans la manière de faire le quart, il a fallu à un moment donné dire bon O. K. ! Il y a des choses qu’on faisait qu’on n’a plus besoin de faire. Il y a des choses qu’on ne faisait pas et que maintenant il faut qu’on fasse. Il faut bien comprendre nos outils de navigation. Tous les processus quand même… Il faut quand même les revoir de façon régulière pour bien les maîtriser et savoir s’ils sont toujours pertinents ou pas. C’est sûr que ça ne change pas à la vitesse grand V. Mais quand même dans les dix dernières années, il y a eu des avancées technologiques qui ont beaucoup aidé le marin, entre autres dans la sécurité de la navigation, l’information. La carte électronique, comme je vous le dis, ça a changé notre réalité. (Musique. Photo prise dans la Voie maritime du Saint-Laurent en hiver.)
18/Amérindiens se déplaçant en canot.
Source : Copie d'une peinture de George Agnew Reid réalisée en 1915 pour la Art Association, Musée McCord, VIEW-15406
Des milliers d'années avant l'arrivée des premiers Européens en sol nord-américain, des membres des Premières Nations utilisaient le Saint-Laurent pour se déplacer, pour s'approvisionner en nourriture et comme lieu d'échange. Les Algonquiens nommaient ce majestueux fleuve «Magtogoek» qui signifie «le chemin qui marche».
19/Maquette d'un canot d'écorce
Source : Germain Martin, collection de Denis Saint-Martin
Les peuples autochtones naviguaient à bord de canots d'écorce. Ces embarcations étaient à la fois légères et résistantes. De plus, il était facile de les réparer en utilisant des éléments provenant de l'environnement immédiat. Au contact des Amérindiens, certains Européens ont vite adopté ce moyen de transport bien adapté aux conditions de navigation qui exigeaient de faire du portage pour éviter les sections du Saint-Laurent comportant des obstacles. Les canots permettaient aussi de se déplacer assez rapidement sur l'eau. Ce mode de transport demeura populaire jusqu'au milieu du XVIIIe siècle.
20/ Le dessous d'une maquette d'un canot d'écorce
Source : Germain Martin, collection de Denis Saint-Martin
Le canot d'écorce comporte une armature en bois souple de sapin ou de thuya recouverte de pans d'écorce de bouleau à papier cousus ensemble à l'aide de racines d'épinette. Les coutures et les différents joints sont ensuite gommés avec de la résine d'épinette et de pin mêlée à de la graisse pour assurer leur étanchéité. Chaque extrémité du canot se termine en pointe offrant ainsi moins de résistance. Pour les voyageurs européens, désirant explorer l'intérieur du continent et faire le commerce de la fourrure, il était essentiel de posséder un canot d'écorce. Ils devaient donc s'en procurer auprès des artisans amérindiens.
21/Fabrication d'un canot d'écorce à La Malbaie vers 1868
Source : Alexander Henderson, Musée McCord, MP-0000.1468.27
La première étape de la fabrication consiste à retirer l'écorce d'un bouleau à papier. Puis, cette écorce est aplanie et déposée au sol. Afin de définir la taille et la forme du canot, un cadre de construction est placé sur l'écorce et maintenu en place à l'aide de grosses pierres. L'artisan pratique ensuite des fentes dans l'écorce sur les côtés du canot. Il verse de l'eau chaude dessus afin d'assouplir ces pans. Puis, il les replie pour former les côtés. Ces pans de côté sont tenus en place par des piquets.
22/Construction de la membrure d'un canot d'écorce au camp Mi'kmaq vers 1870
Source : Alexander Henderson, Musée McCord, MP-0000.1452.135
Les racines d'épinette sont ramassées et amincies. Les différents pans d'écorce sont cousus ensemble à l'aide de ces racines effilées. Ensuite, le bois de thuya ou de sapin est découpé. Puis, ces morceaux sont ébouillantés et courbés. Ils servent à bâtir la membrure de l'embarcation. Cette membrure est fixée solidement à l'écorce pour lui donner du corps. Deux personnes devaient travailler environ pendant deux semaines pour fabriquer un canot d'écorce. Selon l'usage qu'on voulait en faire, on utilisait différents types de canots de dimensions variées.
23/Réplique d'un drakkar au parc de la marina de Matane, une œuvre du sculpteur Delphis Bélanger créée en 1984 lors des festivités entourant le 450e anniversaire de la venue de Jacques-Cartier.
Vers l'an 1000, des Vikings, venant de Norvège, ont traversé l'océan Atlantique et ont navigué sur le Saint-Laurent à bord de drakkars. Ces bateaux effilés d'une longueur de 20 à 30 m étaient munis d'une grande voile carrée. Le déplacement du bateau était aussi assuré par le travail de plusieurs rameurs. Des traces du passage des Vikings sont encore visibles à Terre-Neuve. Cependant, certains croient qu'ils se seraient aussi aventurés un peu plus en amont sur le golfe et auraient été présents sur la Côte-Nord et peut-être en Gaspésie.
24/ Jacques Cartier débarquant à l'île d'Orléans en 1535.
Source : Estampe de John Henry Walker réalisée entre 1850 et 1885, Musée McCord, M993X.5.353
Lors de son premier voyage en 1534, Jacques Cartier rencontra le 16 juillet à Gaspé environ 200 Iroquoiens provenant de Stadaconé (Québec) qui participaient à une excursion de pêche. L'explorateur constata avec étonnement que ces Amérindiens semblaient familiers avec la présence d'étrangers. Les peuples autochtones avaient probablement déjà croisé des pêcheurs européens. En effet, vers l'an 1500 des Anglais, Français, Espagnols, Basques et Portugais étaient venus en Amérique du Nord pour pêcher la morue et chasser la baleine. Les Bretons et les Basques se sont aventurés plus en amont dans le golfe et l'estuaire maritime à bord de leurs voiliers. Des traces des fourneaux utilisés pour faire fondre la graisse de baleine sont encore visibles sur l'île aux Basques au large de Trois-Pistoles. Lors de son deuxième voyage en 1535, Jacques Cartier poursuivit sa route jusqu'à Hochelaga (Montréal). Il dut laisser son navire l'Émérillon en entrant dans le trop peu profond lac Saint-Pierre. Puis, il continua à bord de barques. Il fut freiné par la présence des rapides à la hauteur de Hochelaga.
25/Réplique du navire Don de Dieu de Champlain lors des festivités entourant le tricentenaire de la ville de Québec en 1908.
Le 10 août 1535, pendant son deuxième voyage, Jacques Cartier a donné le nom de « Baye Saint Laurens » à une anse située près du site actuel de Havre-Saint-Pierre. Quelques années plus tard, des traducteurs ont pensé que cette appellation concernait le golfe tout entier. Puis en 1613, le cartographe Samuel de Champlain attribua le nom de «Grande Rivière de St. Laurens» à l’ensemble du cours d’eau en plus de continuer à inscrire sur ses cartes «Grande Rivière de Canada». Champlain traversa l'océan Atlantique pour explorer le Saint-Laurent une première fois en 1603. Il explora alors le Saguenay et se rendit jusqu'à Hochelaga. Sur son parcours, le 29 juin, cet éminent cartographe traversa un immense élargissement du Saint-Laurent auquel il assigna le nom de lac Saint-Pierre.
26/Champlain sur la rivière des Outaouais
Source : Estampe de John David Kelly réalisée entre 1917 et 1958, Musée McCord, M993.154.59
Champlain traversa l'océan Atlantique à 23 reprises. Il explora différentes sections du Saint-Laurent. Le 3 juillet 1608, il fonda Québec. L'année suivante, il navigua sur la rivière aux Iroquois (Richelieu) et le 14 juillet il arriva à un imposant lac auquel il donna son nom. En 1611, il réussit à dépasser un obstacle majeur à la navigation, non loin d'Hochelaga, qu'il nomma « Sault Saint-Louis » (rapides de Lachine) en l'honneur d'un de ses jeunes membres d'équipage qui s'y était noyé. En 1612, Champlain décida de poursuivre plus en amont son exploration et emprunta la rivière des Outaouais. En 1615, il poursuivit son exploration plus loin sur cette rivière et atteignit le lac Huron le 1er août.
27/Vue de la flotte du général Wolfe près du Cap-Rouge juste avant la bataille des plaines d'Abraham, le 13 septembre 1759
Source : Estampe faite à partir d'un dessin de Hervey Smyth réalisée en 1760, Musée McCord, M2477
En 1629, les frères Kirk s'emparèrent de Québec. Champlain retourna alors en France. De là, il reprit possession de son habitation en 1632. Il revint à Québec en 1633. Après cette rétrocession de la colonie aux Français, seuls des canots, des navires de pêche et des navires marchands circulaient sur le Saint-Laurent. À partir de 1665, des navires militaires français se présentèrent sur le fleuve afin de protéger la colonie contre la menace iroquoise. Le 16 octobre 1690, le général William Phipps, commandant d'une flotte de 32 navires, tenta d'assiéger Québec mais sans succès. À partir de juin 1759, des navires anglais de plus en plus nombreux remontèrent le Saint-Laurent. Les habitants de la Nouvelle-France se préparèrent à défendre leur territoire. Mais, la flotte anglaise comptait 164 navires transportant 24 883 militaires de l'armée du général Wolfe. L'armée française perdit le combat le 13 septembre 1759. Ce n'est que longtemps après la Conquête, en 1855, qu'un navire français, La Capricieuse commandé par le capitaine Paul-Henri Belvèze, circula à nouveau sur le Saint-Laurent.
28/L'Empire Sandy, construit en 1943 dans le style d'une goélette trois mâts des années 1800, naviguant sur le fleuve Saint-Laurent près de Montréal lors de l'évènement des Grands voiliers 2012.
Source : Vincent Logeart, 2012, Stratégies Saint-Laurent
Vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, le transport de marchandises et de passagers ainsi que la pêche s'effectuaient beaucoup à bord de goélettes. Des charpentiers de la région de Charlevoix étaient reconnus pour la construction de ces petits voiliers très utiles pour le cabotage. C'est ainsi que les Desgagnés, Audet, Mailloux, Lavoie et Harvey se sont démarqués dans ce domaine.
29/Le Peace Maker, construit en 1986 dans le style d'une goélette trois mâts des années 1800, naviguant sur le fleuve Saint-Laurent près de Montréal lors de l'évènement des Grands voiliers 2012.
Source : Vincent Logeart, 2012, Stratégies Saint-Laurent
Jusqu'à la fin du XIXe siècle, le Saint-Laurent représentait la principale voie d'accès au coeur de l'Amérique du Nord. Tout convergeait vers ce passage obligé : humains, marchandises et informations en provenance d'Europe.