01/Lever de soleil sur le banc de sable et le lac Saint-Pierre
Source : Simon Ménard
Le chenal de navigation du Saint-Laurent, nommé aussi chenal maritime, commence en aval de l'écluse de Saint-Lambert qui, elle, fait partie du réseau Grands Lacs-Voie maritime du Saint-Laurent. C'est la principale voie de navigation entre le Port de Montréal et les eaux naturellement profondes observées à près de 65 km en aval de la ville de Québec. Il parcourt une distance totale d'environ 322 km et est balisé de grosses bouées rouges et vertes. On n'y rencontre aucune écluse et il est ouvert à la navigation à longueur d'année.
02/Drague #1 du département de la marine vers 1910
Source : Musée McCord, MP-1979.155.76
Dès 1535, la faible profondeur du lac Saint-Pierre fut mentionnée. En effet, lors de son deuxième voyage, l'explorateur Jacques Cartier y échoua son plus petit navire, l'Émérillon, sur un haut-fond. Il dut continuer sa traversée du lac avec son équipage à bord de barques afin de se rendre à Hochelaga.
Pour naviguer en amont de Québec, il fallait franchir certains obstacles. Le lac Saint-Pierre était alors la principale entrave. C'est pour cela que le Port de Québec représenta longtemps la destination la plus en amont du Saint-Laurent pouvant accueillir les navires plus imposants. Afin de poursuivre la navigation commerciale plus à l'ouest, il fallait transférer les marchandises sur de plus petites embarcations. Ce transfert occasionnait des coûts supplémentaires car il fallait payer des frais d'allègement et de touage. Au début du XIXe siècle, les marchands de Montréal exercèrent de fortes pressions auprès du ministère des Travaux publics du Canada pour que des opérations de dragage soient entreprises afin de rendre possible une circulation sécuritaire des navires jusqu'au Port de Montréal. Finalement, les travaux de creusage d'un chenal au lac Saint-Pierre débutèrent en 1844.
03/Chalet sur le bord du Grand Chenal, le 18 mai 2018
Source : Simon Ménard
Au lac Saint-Pierre, on décida de draguer un chenal rectiligne qui s'éloignait du tracé plus en courbes du chenal naturel. De 1844 à 1847, on creusa un chenal d'une longueur de 11 km, d'une largeur de 30 m et d'une profondeur de 2,1 m. En 1850, les Commissaires du Havre de Montréal devinrent les responsables des travaux de dragage. Ils modifièrent le tracé en retournant à celui du chenal naturel. Les travaux reprirent l'année suivante et se poursuivirent jusqu'en 1854. Durant cette période, on se concentra surtout sur l'approfondissement des hauts-fonds du lac Saint-Pierre. Le principal haut-fond se situait au milieu du lac à une profondeur de 3,3 m. Il couvrait une distance de 7 km. À cette époque, les bateaux empruntaient le Grand Chenal entre l'île de Grâce et l'île Ronde.
De 1855 à 1865, le chenal fut dragué sur une distance de 16,3 km à une profondeur de 6,1 m. Les travaux reprirent ensuite en 1875 et se terminèrent en 1882. On augmenta alors sa longueur à 28,1 km et sa profondeur à 7,6 m. Dans les parties droites, le chenal avait une largeur de 91 m. Dans les courbes, la largeur passait à 137 m. De 1883 à 1888, le chenal fut creusé de nouveau jusqu'à une profondeur de 8,4 m. Au début du XXe siècle, le ministère des Travaux publics du Canada fit draguer le chenal à une profondeur 9,1 m. Dans les courbes, la largeur maximale atteignait 243 m.
05/Bouée du chenal de navigation au lac Saint-Pierre
Source : Simon Ménard
De 1910 à 1917, les travaux de dragage approfondirent le chenal à 10,7 m. Il n'y eut plus par la suite de dragage de capitalisation. On se contenta de faire du dragage d'entretien pour retirer les sédiments qui s'accumulaient dans certaines parties du chenal afin de maintenir sa profondeur. De 1929 à 1934, le niveau d'eau du fleuve Saint-Laurent était extrêmement bas. Afin de maintenir la profondeur du chenal à 10,7 m, on le creusa à nouveau en draguant environ 0,3 m supplémentaire.
06/Bouée dans le chenal de navigation traversant l'archipel du lac Saint-Pierre.
Source : Simon Ménard
De 1937 à 1952, le chenal du lac Saint-Pierre fut élargi à 167 m. À partir de 1968 jusqu'en 1970, sa largeur passa à 244 m. Entre Montréal et Deschaillons, en 1992, le chenal fut approfondi à 11 m et sa largeur, hormis celle du lac Saint-Pierre, fut augmentée à 230 m. En 1998, on creusa à nouveau le chenal afin de garantir une profondeur de 11,3 m entre Montréal et Deschaillons. Sur un total de 200 000 m3 de sédiments draguées, 116 700 provenaient du chenal au lac Saint-Pierre. Depuis 1998, seuls des dragages d'entretien sont effectués dans le chenal de navigation.
07/Chalets sur l'île Plate dans l'archipel du lac Saint-Pierre
Source : Simon Ménard
Autrefois, les matériaux dragués étaient déposés de chaque côté du chenal. Au cours du XXe siècle, ces sédiments furent déposés en un seul endroit pour former l'île aux Sternes à la sortie du lac Saint-Pierre. Cette île fut désignée comme réserve écologique Marcel-Léger en 1981 afin de souligner sa richesse floristique et faunique.
08/Trois cargos ancrés dans le chenal de navigation devant l'île Saint-Ignace.
Source : Simon Ménard
Durant les années 1930, cinq reversoirs furent construits entre certaines îles de l'archipel du lac Saint-Pierre. L'installation de ces ouvrages, bloquant certains chenaux, visait à faire remonter le niveau de l'eau jusq'au Port de Montréal. Ces reversoirs devaient aussi augmenter le débit dans le chenal de navigation. Ils durent être réparés à quelques reprises car ils avaient été érodés par les forts débits et les mouvements des glaces.
Le reversoir entre l'île de Grâce et l'île Ronde bloqua l'accès au Grand Chenal qui était auparavant emprunté par les navires. Ces derniers durent alors passer exclusivement par le chenal entre l'île des Barques et l'île à la Pierre. Afin d'élargir et de redresser ce passage étroit et dangereux, le ministère des Transports acheta l'île des Barques en 1956 et fit découper en ligne droite la partie longeant le chenal de navigation.
09/Trois cargos ancrés dans le chenal de navigation devant l'île Saint-Ignace.
Source : Simon Ménard
Les travaux d'aménagement du chenal de navigation, entrepris en 1844, ont permis d'augmenter progressivement l'affluence de navires océaniques au Port de Montréal. En 1854, il s'y présentait 6 navires à vapeur et 252 navires à voile. Près de 40 ans après le début des travaux, en 1882, on y accueillait 352 navires à vapeur et 296 navires à voile. De nos jours, le Port de Montréal est fort achalandé. Il est considéré comme le plus grand port du Québec. On y accueille, entre autres, divers cargos, des bateaux de croisière et d'immenses porte-conteneurs. Le Port de Montréal est devenu d'ailleurs le leader des ports à conteneurs qui desservent le marché de l'Atlantique du Nord.